"Peindre dans la chair des mots" - De la difficulté d’attraper les rêves depuis le fond d’une vitrine

Publié le par Fabien Lacouture

 

“Les hommes qui travaillent ne peuvent rêver. Et la sagesse nous vient des rêves.”

                                                    Smohalla, chef indien Sokulls

 

 

        Pourquoi ? Pourquoi ces « artefacts amérindiens », sont-ils conservés au National Museum of the American Indians – dans des musées d’histoire, d’histoire naturelle, d’anthropologie ? Objets d’histoire ou objets d’art ?
        Détenteurs de la mémoire d’une civilisation que notre société s’est longtemps amusée à rêver, ils sont les garants d’un monde qui nous dépasse, mais qui s’est vu vaincu, non sans avoir cherché à se battre. Tristes tropiques a dit un grand homme ; Ouest morose pourrions-nous déclarer, car une civilisation ne peut être captive des vitrines d’un musée.

        Le dessin et la peinture rendent à ces objets leur magie originelle. Du frêle support d’une feuille de papier, la parure de chef indien nous appelle et nous saisit. Sa portée antédiluvienne s’allie au trait de l’artiste – rapidité d’exécution, incertitude des contours – pour nous entraîner dans une transe qui nous plonge au coeur même de cette civilisation, dans les fleuves souterrains de la culture. Les peuples dits civilisés dépendent trop de la page imprimée, et figent par des stéréotypes de plumes, d’arcs et de flèches, l’ampleur d’un monde qui leur est inconnu. Caroline Challan Belval rend à ces objets prisonniers leur vie, leur portée si considérable et, du bout du regard, nous fait toucher l’Autre.

 

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Caroline Challan-Belval, Musée National des Indiens Américains, 2002, pierre noire

sur papier, 21x29,7 cm.  

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